Beg-An-Hent-Bras, Roudouallec
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épisode 1 : le piano mécanique....
ma Maman Soaze,mon Papa Jos,Marcel debout,Robert sur la moto |
Jos,le forgeron, tient, avec sa femme Soaze, un débit de boisson tout en haut du bourg, à "Beg-An-Hent-Bras". Jos est né le 10 Octobre 1900; du temps de son adolescence, il avait animé quelques bals de noce avec son accordéon diatonique, un De Denis à deux rangées. C'est que Jos a la musique dans le sang!... S'étant marié tôt et jeune, le 1er Juillet 1923, il n'avait pu se rendre aux Etats-Unis rejoindre ses copains qui y étaient allés chercher fortune. Ayant effectué son service militaire au "Cadre Noir" de Saumur, Jos avait préféré s'installer comme maréchal-ferrant au bourg.
Mais les temps sont durs! Il faut trimer et trimer encore pour élever quatre enfants, quatre garçons en bas âge.
"Et si on ouvrait un bal dans l'arrière-salle du bistrot?" demanda Jos à sa femme Soaze... Alors, cédant à la mode, il emprunte une somme d'argent à Nênêne, sa belle-mère, dont le mari Yves Kervran, travaille aux usines Michelin, aux Etats-Unis.
Aussitôt dit, aussitôt fait! Jos achète à Nantes un piano mécanique; lequel piano, grand comme une armoire bretonne, sera installé dans l'arrière-salle, un hangar aménagé en piste de danse...
A cette époque, le courant électrique n'est pas encore installé au bourg de Roudouallec; la salle de danse de Jos et de Soaze est éclairée uniquement par deux lampes à carbure! Toute la jeunesse du bourg et de la campagne vient tournoyer sur les accents martelés par le piano mécanique. Il faut vous dire que les distractions sont rares: pas de radio, pas d'équipe de foot-ball! Seulement quelques parties de cartes les soirs d'hiver, ou de boules sous la chaleur des étés. Le vélo est même un luxe pour la plupart des habitants de Roudouallec et d'ailleurs. Aussi est-on venu à pied le dimanche matin à la messe, en bottes ou en sabots de bois. Les souliers vernis sont enveloppés dans du papier journal et se trouvent au fond d'une sacoche, avec un casse-croûte! On se retrouve tous chez Soaze et Jos vers midi. On s'assoit, on s'installe et on déjeune rapidement. On blague un peu aussi! Et vers une heure et demie, Soaze ouvre la porte de l'arrière-salle... Le garçon le plus rapide introduit le premier sa pièce en brouze à l'effigie de Napoléon III dans la petite fente située sur le côté droit du piano mécanique. On remonte le mécanisme à la main... Et en avant la musique!
Yves Pierre, dit Pierre, le premier enfant de Soaze et Jos, est né le 1er Mai 1924 à Roudouallec. C'est qu'on ne vient pas souvent au monde dans les maternités, au cours de ces années-là!... Pierre, qui n'a que quatre ans à l'époque, se trouve aux premières loges et, sage comme une image selon ses souvenirs, avec quelques copains accourus aux sons de la musique, ne perd pas une miette du spectacle: il est le fils des patrons, les premières notes musicales sont pour lui!
Quand la danse est finie, les filles vont s'asseoir sagement sur les bancs de bois placés contre les murs de la salle de danse. Les gars s'attroupent dans un coin, non loin de la porte permettant d'accéder au bistrot, et vont boire un petit coup au comptoir, histoire de se donner un peu d'assurance pour faire front à la gent féminine... Tout l'après-midi se passe ainsi joyeusement et cela, malgré les imprécations virulentes du curé qui, le matin même, au sermon et en Breton, avait interdit à la jeunesse et aux autres d'aller danser chez Soaze et Jos, cette "maison du diable"! Oui mais... Ce même curé venait faire réparer sa bicyclette chez ce même Jos, les autres jours de la semaine... Toujours est-il qu'aux carreaux de la salle de danse, on apercevait parfois les visages de curieux qui, du dehors, voulaient aussi jouir du spectacle ou de la bagarre provoquée par Bacchus, le dieu du vin, ou plus rarement par les rivalités d'amoureux... Et puis vers sept heures du soir, la fatigue aidant, la faim se faisait sentir et chacun retournait chez lui, après avoir rechaussé bottes ou sabots de bois.
"Demain, on travaille!" disait l'énigmatique Bébert à sa jolie Mimi Pinson...
à suivre...
épisode 2 : tu danses, chérie ?
Marie Le Goff, Papa Jos, Maman Soaze, Marie Riou |
............à suivre!...
épisode 3 : Pér Mongn' . . .
mon père Jos et ma mère Soaze |
Jos n'est pas homme à tergiverser, il prend vite sa décision: quand il n'y aura pas de matinée dansante avec le piano mécanique, il y aura bal le dimanche soir avec un accordéoniste.
Jos a entendu parler des frères Richard, de Rosporden. Le cachet demandé: 100 francs pour 1 musicien. Cher! Cher!... Jos contacte Alexandre Guillou de Leuhan, Finistère, qui réclame 80 francs. C'est encore trop cher! Finalement, c'est un gars de Laz qui fera l'affaire pour 60 francs... Pér Mongn' arrive donc chez Soaze et Jos, à Roudouallec, à bicyclette, son accordéon sur le dos, dans une housse de cuir, ce dimanche après-midi de 1933.......
Le bistrot de Soaze et Jos est plein à craquer en ce dimanche après-midi de novembre. La curiosité est générale: on voit enfin, en chair et en os, un accordéoniste, un vrai de vrai! Il déballe son "chromatique" sur une table: c'est un Ranco Gugliemo bleu pâle à deux rangées, la caisse incrustée de perles. Pér roule sa cigarette, ajuste ses courroies et, la tête tournée sur le côté car atteint d'un léger strabisme, assis sur une chaise, attaque un one-step en martelant le sol du talon...
C'est le succès immédiat! On applaudit à tout rompre. Soaze, la patronne, lui apporte un grog bien chaud, grog que le pauvre Pér a bien mérité... Et, de cinq heures jusqu'à sept heures du soir, Pér Mongn' va jouer pour la galerie, et bénévolement en partie, acceptant un verre par-ci, un chouchen par-là, avant de passer à table.
Petit Pierre Bleuzen, qui n'a encore que 8 ans, est en admiration devant l'idole.......
Après un bon souper, Pér, un peu "échauffé" il faut bien l'avouer, allume une bonne roulée et se relève, car il faut bien aller au "boulot" jusqu'à 1 heure du matin!... C'est sur une petite estrade, formée par quelques planches posées sur deux tréteaux. On aide Pér à monter, il a tôt fait d'installer son "Jazz Band" au pied... Et puis hop là! Pér attaque un one-step des plus entraînant!...
............... à suivre!................
épisode 4 : Pér perd les pédales . . .
sur la droite,notre maison natale.La forge:côté EST près de l'arbre |
Vous imaginez bien que ce n'est pas facile de penser "en même temps" à synchroniser sa main droite qui joue le chant, sa main gauche qui fait l'accompagnement aux basses, son pied droit à la grosse caisse, et son pied gauche à la charleston! Essayez un peu, et vous verrez par vous-même...
Pér Mongn' perd souvent les pédales, c'est le cas de le dire, et s'embrouille parfois. Mais qu'à cela ne tienne! Pér se débrouille toujours pour finir son morceau "en mesure"!!! Un petit coup de rouge, un arrêt de trois minutes et hop! ça repart!!! Ah mais...
.............................à suivre!.........................